In-Out, le conte de Noël d’un futur désirable
#Utopie2043
In-Out : La fréquence venue du froid
Le conte de Noël d’un futur désirable
Etretat – 21 décembre 2043
Ce Nous « plus grand »
Nous a permis de vivre
Là où Nous étions
Qu’il fait bon vivre en 2043 !
Aujourd’hui, chez nous, les humains, quelque chose s’est posé à l’intérieur de nous. Nul besoin de partir loin comme avant, parfois à l’autre bout de la planète, pour tenter de vivre « autre chose ». C’est en nous, entre nous, et c’est tellement nouveau…
Les changements que nous avons vécus ces vingt dernières années ont été si impactants, qu’on a presque du mal à croire que ce qu’on appelait encore « ancien monde » il y a peu, ait jamais existé. C’est une étape majeure pour les milliards d’humains que nous sommes, un véritable soulagement. Nous nous sommes enfin débarrassés de la peur. La peur de l’autre, la peur de la fin du monde, la peur qui paralyse, la peur de tout en somme !
Après la folle insouciance de la fin du XXe siècle, l’inquiétude viscérale et grandissante nous avait minés jusqu’à fin 2030. Les seuils critiques étaient franchis sur tant de fronts : écologique, social, politique, économique, relationnel… Une vraie bombe à retardement. Nos formes pensées s’effondraient les unes après les autres dans un chaos sans fin. Le fil habituel de nos argumentaires se détricotait, jusqu’à nos mots, qui n’avaient plus de sens. C’était devenu terrifiant !
Mais dans cette apparente dislocation, quelque chose était déjà à l’œuvre… Au début, nous n’avons pas tout à fait compris ce qui était en train de se passer.
Les médias nous montraient des politiques qui ne parvenaient plus à démonter la pensée du camp adverse sans se déliter eux-mêmes. On a même vu un président ouvertement insulter une partie de la population (avec un « je les emmerde » resté dans tous les esprits), un autre agiter une tronçonneuse en public pour fêter son élection. Ou encore un président d’assemblée rembarrer un opposant en lui servant du « Ferme ta gueule »… Petit à petit, l’outrance cheminait vers l’outrage, révélant la nature dévoyée de ces personnages… C’était comme si un mystérieux instructeur leur avait retiré leur cape d’invisibilité : les faux-semblants, tout ce qui n’était pas congruent ou aligné, apparaissait au grand jour, trahis par des lapsus ou totalement assumés au travers de propos sciemment glapis sans moralité aucune. Ces scènes surréalistes étaient presque immédiatement visionnées par toute la planète par la « grâce » des réseaux sociaux.
Comme une expérience collective humaine, majeure, commune et instantanée.
Cette grande mise à jour de l’humanité a débuté un peu avant 2030 et nous a tous changés, comme une nouvelle matrice. Chacun s’est soudain mis à ressentir ce que les autres pensaient et ressentaient. Comme un vent de compassion et de sincérité qui aurait soufflé sur le monde. Dans cette période transitoire, cela a donné lieu à des situations cocasses. Certains d’entre nous, devenus d’un coup trop « lisibles » et « transparents », s’échappaient en pleine réunion. D’autres quittaient brutalement les transports en commun pour se réfugier aussi vite que possible dans les bois alentours pour ne pas être percés à jour ! En fait, on en rit aujourd’hui mais ça n’a pas été si facile à vivre, il a fallu s’adapter… Fuir était à vrai dire peine perdue, puisque l’on ne pouvait plus vivre comme avant, individuellement, dans son coin, tranquille, déconnecté des autres et des événements du monde.
No way, on était brutalement devenus tous reliés ! Ce que certains d’entre nous ont vécu comme une vraie catastrophe …
Nous n’avons jamais su l’origine précise de ce grand changement. Certains ont invoqué une intervention divine. Après tout, Jésus n’avait-il pas dit « je ne suis pas venu annoncer la paix, mais la vérité » ? D’autres ont invoqué celle de peuples stellaires ou de l’intra-terre, je ne sais plus. D’autres encore ont mis cela sur le compte d’une intoxication massive à l’ergot de seigle, le fameux LSD des années hippies. Des astrologues ont souligné l’implacabilité de Pluton en Verseau, et parlé du rayon de la vérité. Chacun y est allé de son analyse, et peut être que c’était un peu tout cela à la fois, comme si l’univers avait conspiré, que le macroscopique répondait au microcosmique et inversement. Mais l’hypothèse la plus probable, c’est sans doute celle de la fonte du permafrost. Aussi étrange que cela puisse paraitre, derrière l’arrêt de mort annoncé par les scientifiques, se cachait peut être en réalité un virus salvateur bloqué depuis des milliards d’années dans la glace. La fonte de la banquise a sans doute sauvé l’humanité, et ça, personne n’aurait pu l’anticiper ou même l’imaginer.
L’enchaînement des événements a pu être reconstitué a posteriori: Jean Zoujel, ce fameux scientifique de renommée internationale, spécialiste du climat et des glaces, aurait été la première personne touchée par ce virus. Ce matin du 10 juin 2023, alors qu’il assistait à la chute d’un immense iceberg d’une taille équivalente à plus de 15 fois la superficie de Paris, il prit son téléphone satellite pour appeler sa femme et lui révéla d’un coup d’un seul, et sans crier gare, l’existence de sa maitresse et de ses quatre enfants illégitimes. Toute la vérité, rien que la vérité, soigneusement dissimulée depuis de nombreuses années, s’était retrouvée dévoilée en quelques minutes ! Un puissant sérum qui venait de bouleverser sa vie avant de bouleverser le monde…
Dans la foulée, on rapporte en effet que les proches de M. Zoujel ont eu eux-aussi des comportements étranges, racontant à qui voulait l’entendre toutes sortes de confidences. Ils n’avaient plus peur de faire fondre la banquise du secret, ils devenaient simplement eux-mêmes, ne cachant plus aucune facette de leur intimité.
Ainsi une nouvelle pandémie s’était-elle répandue sur Terre, un virus poussant l’individu à se montrer aussi nu qu’un indien Korubos d’Amazonie. Bénédiction ou fléau, on ne le savait pas trop, il frappait en tous cas à la vitesse de la lumière et sans aucune distinction toutes les couches de nos sociétés.
Des scientifiques qu’on disait autrefois « alternatifs » et qui étudiaient la médecine chamanique aux quatre coins du monde ont rapporté plus tard un fait troublant, survenu au début des années 2020. Exactement au même moment, des chamans de Mongolie et d’Amérique du sud sont revenus de leur transe en annonçant l’arrivée « d’une nouvelle fréquence venant du froid ». La vision prit tout son sens lorsque ces mêmes scientifiques eurent vent des incidents dits de « divulgation incontrôlée » qui survenaient sur toute la surface du globe.
Comme semblaient l’annoncer les textes bibliques, un tri s’est opéré parmi les leaders politiques entre le bon grain et l’ivraie. Ces derniers s’étant auto-sabotés, la voie était libre pour les premiers qui se sont attelés à restaurer la noblesse de leur véritable mission, l’organisation de la cité. En commençant par venir en assistance à leurs congénères déchus, invités à rejoindre des cercles de Politiciens Anonymes pour réfléchir à leur reconversion au service du bien commun. Certains s’engagèrent ainsi dans l’humanitaire, tandis que d’autres, toujours très attachés au show dans lequel ils excellaient, démarraient une carrière prometteuse dans le spectacle.
De manière générale, nos politiques se sont mis à utiliser des termes nouveaux, et à parler de sensibilité. Certains tombaient en larmes en pleine élocution officielle, puis, les uns après les autres, chacun de nous a vécu ce qu’on a appelé le In-Out : un processus psycho-émotionnel dérivé du Burn-Out et du Coming-Out, dans lequel ce qui est à l’extérieur est comme ce qui est à l’intérieur.
Désormais, plus rien ne pouvait rester dissimulé, tout était révélé au grand jour. Sans le voir venir, nous étions arrivés à l’ère de la terrible Apocalypse mais qui avait finalement pris une forme plus jubilatoire que le spectre annoncé dans les années 2020.
Les médias adorant les mises en scène, un nouveau nom fut donné, non sans humour, à ce virus: le CoVite fut bientôt sur toutes les lèvres. CoVite, pour Coopérer plus Vite, et baigner nos systèmes de transparence et de sincérité. Le « vite » étant entendu sans notion de précipitation, mais rendant compte de l’urgence de passer à un nouveau système de pensée, maintenant que le fruit était mûr.
Le monde a donc connu le bouleversement qu’il attendait depuis si longtemps.
Le In-Out régule désormais nos vies, telle une loi du vivant. La mise en cohérence de nos pensées, nos paroles et nos actes structure notre fonctionnement, individuel, relationnel et politique. Chacun en a pris conscience, à son échelle individuelle bien sûr, mais surtout à celle de l’humanité toute entière, et c’était là le grand changement.
C’est comme si au lieu d’abandonner, le peuple humain avait pu s’abandonner. Les barrages avaient lâché, et au lieu de se retrouver englouti, le monde s’est libéré d’un poison mortel, celui de la peur et du contrôle. Bien sûr l’humain ne s’est pas mis à aimer tout le monde, mais il s’est mis à aimer le monde, avec un sentiment puissant et nouveau de faire partie avec le reste de la planète d’un même organisme. Car cette sensation de transparence, cette puissance qui permettait de percevoir une réalité plus juste, précise et profonde, avait rendu notre appartenance au vivant évidente. Les prises de pouvoir d’un seul homme ou d’un groupe n’avaient dès lors plus du tout de sens.
Aussi incroyable que cela puisse paraitre, grâce au virus – ou à cette nouvelle fréquence venue du froid, qu’importe en somme – les choses s’étaient régulées par elles-mêmes, auto-organisées. Comme chacun se sentait tellement mieux avec les autres qu’auparavant, tout s’est réorganisé petit à petit. Moins de déplacement, plus d’entraide, les gens se proposaient mutuellement des soins, de quoi se nourrir, ou s’héberger… Nous avons recommencé à imaginer des choses ensemble – et plus les uns contre les autres ou pour son propre intérêt – en prenant en compte tous nos sens et pas uniquement le mental, de façon holistique.
Des cercles se formaient naturellement, dont émergeaient nombre de visions, qui allaient pouvoir nourrir les décisions. C’était simple et efficace. Organique, en somme.
Comme une résonnance mystère-rieuse, le feu de la destruction qui était à l’œuvre dans les années 2020 trouva son équilibre avec celui de la création. L’homme avait enfin ressenti cet amour de la vie en lui, puisqu’il voyait et disait enfin vrai. Puisque « là où je suis, je suis bien » et avec les mensonges et les manipulations révélées au grand jour, la surconsommation diminua (et avec elle les échanges commerciaux), car il n’y avait désormais plus lieu de surcompenser. Le spectre du changement climatique disparut d’un coup, au profit d’une vie plus locale et d’un retour à l’essentiel, en douceur.
La biodiversité, qui avait capté et ressenti dans sa chair le changement, avait retrouvé une stabilité, et amorça rapidement sa régénération. Qui sait, peut-être avait-elle d’ailleurs elle-même commandité les choses, en œuvrant pour l’apparition de ce virus ou de cette fréquence supra-lumineuse.
Le ciel lui-même était plus bleu, plus grand, plus beau.
Les étoiles plus lumineuses, plus nombreuses, plus proches.
Le regard des animaux aussi avait changé. Cette profondeur, que certains avaient devinée il y a bien longtemps déjà, était maintenant offerte à tous. Humains, animaux, et tous les autres règnes, nous nous regardions désormais différemment, semblables en fait, mais dans une forme différente.
Les yeux dans les yeux : je te vois comme tu me vois.
Il n’y a plus de mensonges entre nous, juste une folle envie de continuer à se découvrir.
FIN (DEBUT)
Cyril et Maÿlis Guiraud sont les créateurs et gardiens de l’écolieu l’arbre aux étoiles, près de Honfleur en Normandie. L’arbre aux étoiles accompagne la transition sociétale dans toutes ses dimensions : au niveau personnel avec une large offre de stages, au niveau professionnel, en accueillant les séminaires des entreprises et des formations engagées, et au niveau local en proposant des événements visant à renforcer le lien social.
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